Motif de consultation: Prolapsus cloacal chez les oiseaux

Physiopathologie du prolapsus cloacal

Le cloaque est le carrefour des systèmes reproductifs, urinaire, et gastro-intestinal. Chacun de ces systèmes s’abouche dans son propre compartiment séparé des autres par un repli. L’abouchement du cloaque est un sphincter par lequel s’évacue les déjections et les fluides issus de l’appareil reproducteur.

Les prolapsus peuvent avoir pour origine le cloaque lui-même, l’oviducte, ou le colon. Le cloaque se prolabe de façon physiologique lors de la ponte ou de l’ovoposition, et la rétraction normale du cloaque peut-être lente ou absente chez les animaux obèses ou hypocalcémiques. Des contractions abdominales excessives causées par un œuf anormal, une dystocie, une pathologie cloacale, une atteinte gastro-intestinale, ou un comportement sexuel exacerbé (masturbation) peut aussi engendrer un prolapsus.

Prolapsus cloacal dans une perruche

Figure 1. Prolapsus cloacal dans une perruche. Crédit photo: Dr. Isabelle Langlois. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Point clés de la gestion de l’urgence

Le prolapsus du cloaque est une pathologie grave et potentiellement mortelle. Quand un prolapsus du cloaque est identifié lors de l’examen clinique, appliquer généreusement un lubrifiant à base d’eau afin de garder humide, le plus possible, les tissus exposés.
Le prolapsus doit être réduit le plus rapidement possible afin de prévenir tout trauma, infection, ou nécrose des tissus.

  1. Réaliser une anesthésie générale de l’animal.
  2. Positionner le patient en décubitus dorsal.
  3. L’utilisation de soluté hypertonique salé, de dextrose 50%, de diméthylsulfoxyde (DMSO) peut permettre de réduire l’œdème des tissus prolabés, facilitant ainsi la réduction du prolapsus.
  4. Si un œuf est présent dans le tissue prolabé, il faut alors réaliser une ovocentèse. Pour se faire, insérer une aiguille de 18 gauge (rose) afin d’aspirer le contenu de l’œuf, puis appliquer une pression douce latéralement afin de de faire imploser la coquille.
  5. Tamponner doucement le tissue pour réaliser un prélèvement bactérien.
  6. Nettoyer et exposer doucement les tissus en les rinçant avec du sérum physiologique stérile puis une solution antiseptique diluée.
  7. Repositionner les tissus prolabés en utilisant une sonde atraumatique, lubrifiée, et de taille adaptée ou un doigt ganté.
  8. Ne pas se contenter de remettre les tissus dans le cloaque. Les tissus doivent s’évaginer de nouveau en position anatomique avec une orientation correcte, comme une chaussette détroussée.
  9. Réaliser 2 ou 3 points simples ou point éversants (en U) de chaque côté de l’ouverture du cloaque en utilisant un fil monofilament irrésorbable (comme du nylon ou du PDS) de 3-0 à 5-0 avec une aiguille triangulaire incurvée.

Les points doivent être relativement petits et parallèles. La réalisation d’une suture en bourse n’est pas recommandée suite à des descriptions d’atonie cloacale comme complications d’une telle procédure. Serrer les deux chefs du fil avec la même force lors de la réalisation du nœud en veillant à ne pas serrer le nœud trop fort pour minimiser le risque de d’inflammation post opératoire.

Laisser en place le coton-tige ou la sonde urinaire lors du placement des sutures afin de s’assurer que l’ouverture est assez large pour que les excréments puissent passer.

Gestion du cas

Les sutures permettent un traitement temporaire et doivent être laissées en place au moins 48 heures. Pendant ce temps, la cause sous-jacente du prolapsus doit être identifiée et traitée.

Epidémiologie

Les pathologies de l’appareil reproducteur sont rencontrées fréquemment chez les petites perruches:

    • Perruche callopsitte (Nymphicus hollandicus)
    • Inséparable (Agapornis spp.)
    • Perruche ondulées (Melopsittacus undulatus)

History and examination

Historique et examen à distance

Obtenir un historique complet et détaillé incluant l’utilisation de compléments minéraux chez le patient. Examiner les fientes avec attention. Du sang nature dans les fientes peut-être mis en évidence lors de dystocie.

En plus des questions habituelles concernant l’environnement et l’apparition des signes cliniques, l’historique et le statut reproducteur de l’animal doit être précisé…

      • Quand la dernière couvée a-t-elle été pondue? Quand les œufs ont-ils été retirés pour la dernière fois?
      • Combien d’œufs ont-ils été pondus?
      • Les œufs étaient-ils normaux en termes de forme et de nombre?
      • Des comportements de ponte (ou des comportements de reproduction) ont-ils été observés comme une augmentation de l’appétit, une consommation particulière d’aliments riches en calcium? Est-ce que l’oiseau recherche des endroits ombragés, ou cherche à construire un de nid en déchirant du papier par exemple? Certaines femelles peuvent développer un comportement territorial et se défendre en cas d’intrusion dans leur cage.

Un oiseau qui souffre de ponte chronique produira des couvées plus grandes et répétées en dehors des périodes de reproduction. Sans modification de la ration alimentaire, la production répétée d’œufs engendre un épuisement des stocks de calcium et de protéine, ce qui peut conduire à des rétentions d’œufs, des dystocies, et une perte de poids.

Le diagnostic du prolapsus est basé sur les symptômes mis en évidence à l’examen clinique. L’examen clinique va permettre de visualiser des tissus prolabés à travers l’ouverture du cloaque. Ceux-ci peuvent être prolabés de manière intermittente ou permanente. Il peut aussi être visualisé une hematochézie, et en cas d’infection du cloaque, des fientes malodorantes.

Lors de prolapsus de l’utérus, la lumière de l’oviducte donne au tissue une apparence de « donut ». Même si le tissu prolabé devient œdémateux, les stries longitudinales de l’utérus restent visibles dans la plupart des cas. Lors d’un prolapsus rectal, le colon apparait comme une structure tubulaire dépourvu de stries.

L’examen complet de l’oiseau doit inclure une évaluation minutieuse de l’oropharynx et du jabot, une palpation cœlomique et une inspection de l’orifice cloacal.

Examen d’un oiseau avec un prolapsus du cloaque
Oropharynx Evaluer les muqueuses et rechercher toute pâleur, sécheresse, muqueuses collantes qui pourraient mettre en évidence une déshydratation.
Gésier Palper doucement le gésier et rechercher la présence de distension par des fluides ou de la nourriture. Les stases du gésier peuvent être des pathologies secondaires chez tous les oiseaux malades ou stressés.
Palpation coelomique Un œuf peut facilement être décelé. Palper avec attention et douceur l’œuf afin d’avoir une idée de sa taille, de sa forme et de son orientation.
Ouverture du cloaque
  • La muqueuse du cloaque est normalement lisse, rose, brillante, alors que les tissus prolabées deviennent rapidement œdémateux.
  • Les papillomes ont l’apparence d’une boursoufflure avec une muqueuse rouge et friable.
  • Les infections de cloaques ou cloacite sont des découvertes secondaires chez des oiseaux avec un historique de ténesme du à un prolapsus cloacal chronique, une masturbation chronique, ou tout autre comportement reproductif exacerbé. Les tissus apparaissent rouges, lisses, gonflés, et le cloaque a une forme ronde comme une balle.

Examens complémentaires

Après que le prolapsus ait été réduit, il convient d’identifier la cause sous-jacente de celui-ci. Réaliser si possible une numération formule sanguine, une biochimie, et des radiographies corps entier.

Rechercher la présence de signes d’ostéomyélosclérose. L’ossification des os longs ou ostéomyélosclérose est une découverte radiographique normale chez une femelle prête à pondre. La calcification de la moelle osseuse chez les oiseaux se produit secondairement à une augmentation du niveau d’estrogène, et fourni une réserve de calcium fondamentale pour produire la coquille des œufs et faire passer ces œufs à travers le tractus reproducteur puis les expulser (Fig 1). L’absence d’ostéomyélosclérose chez une femelle qui a un œuf calcifier dans sa cavité cœlomique suggère une déficience en calcium qui peut empêcher les contractions utérines qui vont permettre d’expulser l’œuf.

Ossification des os longs ou ostéomyélosclerose (flèches jaunes) compare à une apparence radiographique normale des os chez un oiseau (flèches rouges).

Figure 2. Ossification des os longs ou ostéomyélosclerose (flèches jaunes) compare à une apparence radiographique normale des os chez un oiseau (flèches rouges). Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Traitement

Une fois que le prolapsus a été réduit, prescrire au patient des antibiotiques systémiques, des anti-inflammatoires (Meloxicam 0.2-0.5 mg/kg PO, IM, SC q12-24h), et éventuellement un laxatif comme du lactulose (200 mg/kg PO q8-12h).

Si une anomalie de la ponte et à l’origine du prolapsus, ajouter au plan thérapeutique une molécule qui empêche la ponte telle que l’hormone chorionique gonadotrope humaine (HCG) (500 IU/kg IM on Day 1, 3 and 7), ou l’acétate de leuprolide plus communément utilisé (100-200 µg/kg IM q 2-4 semaines). Il est aussi important d’améliorer l’alimentation de l’oiseau, en particulier l’apport de calcium, et de protéine dans la ration alimentaire. Recommander des changements environnementaux et comportementaux qui peuvent prévenir la ponte. Voir la fiche: ponte chronique.

Une fois que le traitement médical et les conseils comportementaux ont été établis, si le prolapsus persiste ou récidive, alors un traitement chirurgical, tel qu’une cloacoplastie et/ou une cloacopexie, doivent être envisagé. Une salpingectomie peut aussi être recommandée afin de prévenir tout épisode de rétention d’œufs ou de prolapsus de l’oviducte.

Références et lecture recommandée

Références

Bowles HL. Evaluating and treating the reproductive system. In: GJ Harrison, TL Lightfoot (eds). Clinical Avian Medicine. Palm Beach, FL: Spix Publishing; 2006. Pp. 519-540.

Rosskopf WJ, Woerpel RW. Avian obstetric medicine. Birchard SJ, Sherding RG (eds). Saunder’s Manual of Small Animal Practice. Philadelphia, PA: WB Saunders, 2000. Pp. 1451-1458.

Speer B. Diseases of the urogenital system. In: Altman RB, Clubb SL, Dorrestein GM, Quesenberry K. Avian Medicine and Surgery. Philadelphia, PA: WB Saunders; 1997. Pp. 633-644.