La radiographie chez le lapin

Points clés

  • La radiographie peut être difficile à réaliser et à interpréter chez le lapin.
  • L’utilisation de cassettes radiographiques est possible et permet le placement direct du lapin sur la cassette.
  • Des radiographies de profil ne peuvent être réalisées qu’avec une contention chez certains lapins. Une sédation ou une anesthésie générale peuvent être nécessaires pour un meilleur positionnement.
  • Il est normal de voir un peu de gaz présent dans le tractus gastro-intestinal du lapin.
  • Chez les lapins nourris avec un régime trop riche en calcium (c’est-à-dire à base de luzerne) il est fréquent de visualiser des sédiments radio-opaques dans leur appareil urinaire.
  • Les radiographies thoraciques normales peuvent être particulièrement difficiles à évaluer chez les lapins. Les lobes pulmonaires crâniaux sont petits et recouverts par un large médiastin, et les lobes pulmonaires caudaux contiennent une vascularisation prononcée.

Introduction

La radiographie peut être difficile à réaliser chez le lapin. Les lapins gravement débilités ne doivent être contentionnés qu’après leur stabilisation. Pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque et de dyspnée, il est préférable de les placez préalablement dans une cage à oxygène et dans un environnement calme avant de réaliser tout examen radiographique.

L’équipement à rayons X doit être capable de produire 300 mA en 1/120 seconde ainsi que 40 à 70 kilovolts (kV) réglable par 1 ou 2 kV. Utiliser des écrans ou des cassettes intensifiants (Lanex Fine, Eastman Kodak) pour améliorer la visualisation des détails anatomiques.

La plupart des lapins peuvent être placés directement sur la cassette car seules certaines races géantes ont un corps mesurant plus de 10 cm d’épaisseur. Il est possible de réaliser des radiographies sur certains lapins sans qu’ils ne se débattent mais une sédation (midazolam 0,5 mg/kg IM) ou une anesthésie générale peut être nécessaire pour un meilleur positionnement. Il est important de rappeler qu’une sédation lourde peut conduire à une atélectasie rapide du poumon. On rencontrera ainsi des zones d’opacité pulmonaire accrue avec un patron interstitiel à alvéolaire sur ce type de radiographies. Sur les vues ventrodorsale (VD) ou dorsoventrale (DV), un déplacement médiastinal peut être observé du même côté qu’une opacité pulmonaire accrue.

L’abdomen

Résultats radiographiques normaux de l’abdomen de lapin

Lors de l’évaluation du tractus gastro-intestinal (GIT), il est important de distinguer l’estomac, de l’intestin grêle, du cæcum et du gros intestin. Il est normal de voir de petites poches de gaz à l’intérieur du tractus digestif (figures 1 et 2). Le gaz est un sous-produit de la fermentation bactérienne étant donné que les fibres consommées sont transformées par le tractus digestif du lapin. Il doit toujours y avoir quelques ingesta présents dans l’estomac. Le volume caecal peut être assez grand, mais sa taille varie en fonction de l’heure de la journée et en fonction de la production de caecotrophes. Il doit également y avoir de nombreuses crottes dans le gros intestin. Le temps de transit gastro-intestinal est de 3 à 5 jours chez le lapin.

Les lapins ont une grande quantité de graisse rétropéritonéale qui déplace ventralement les reins. Chez les lapins nourris avec un régime trop riche en calcium (c’est-à-dire à base de luzerne) il est fréquent de visualiser des sédiments radio-opaques dans leur appareil urinaire. Ces sédiments sont généralement constitués de carbonate de calcium et apparaissent comme radio-opaques dans la vessie. Une accumulation importante de sédiments dans l’urine peut conduire à des pathologies du tractus urinaire (voir ci-dessous).

Vue latérale normale chez un lapin

Figure 1. Vue latérale normale chez un lapin (Oryctolagus cuniculus). Photographie par Dr. David Vella. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Vue ventro-dorsale normale chez un lapin

Figure 2.Vue ventro-dorsale normale chez un lapin (Oryctolagus cuniculus). Photographie par Dr. David Vella. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

La “boue” vésicale (“sludge” en anglais) est constituée par une grande quantité de sédiments qui s’accumulent dans la vessie. Les radiographies mettent en évidence une vessie radio-opaque, comme remplie d’agent de contraste (Fig 3). Ces lapins présentent généralement de l’inconfort et des souillures périnéales et des lésions de dermatite urineuse dans le cas d’atteinte sévère. Les facteurs considérés comme favorisant cette pathologie sont l’obésité, un mode de vie sédentaire, des douleurs du rachis et une pododermatite. Le traitement consiste à éliminer tous les sédiments dans la vessie. Après avoir élimination de sédiments vésicaux, il est conseillé de réaliser une radiographie de contrôle pour s’assurer de la bonne vidange de la vessie et de le l’absence de calculs vésicaux dissimulés par la boue vésicale.

De la

Figure 3. De la “boue” vésicale chez un lapin (Oryctolagus cuniculus). Photographie par Dr. David Vella. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

La présence d’urolithiase est relativement facile à diagnostiquer radiographiquement car de nombreux sédiments sont composés de carbonate de calcium (fig3> Fig 4). Les calculs vésicaux sont relativement fréquents chez les lapins, et peuvent être traités par une cystotomie. Des urolithes peuvent également être rencontrés dans l’urètre à de rares occasions.

Les calculs rénaux sont également parfois observés, bien que les lapins affectés soient souvent asymptomatiques (fig3 Fig 4 ). Il est important de surveiller la fonction rénale et détecter toute infection des voies urinaires chez le lapin. Prévenez le propriétaire afin qu’il puisse détecter des symptômes anormaux tels que l’hématurie.

Lapin avec calculs rénaux et vésicaux et cystolithes chez un lapin

Figure 4. Lapin avec calculs rénaux et vésicaux et cystolithes chez un lapin (Oryctolagus cuniculus). Photographie par Dr. David Vella. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Le thorax

Radiographie du thorax chez le lapin

Une radiographie normale du thorax peut être difficile à évaluer et il est donc facile de faire une mauvaise interprétation chez le lapin. La cavité thoracique est de petite taille par rapport à l’abdomen, et le cœur occupe une grande partie du thorax (Fig. 5). Le bord crânial du cœur est moins distinct en raison de la présence du thymus, lequel persiste tout le long de la vie du lapin. Les lobes pulmonaires crâniaux sont petits et superposés au large médiastin. Les lobes pulmonaires caudaux ont une vascularisation prononcée. De plus, la respiration rapide du lapin rend difficile l’obtention d’un cliché radiographique de qualité en phase inspiratoire, à moins que le lapin ne soit anesthésié et intubé.

Vue latéro-latérale d’un thorax normal chez le lapin

Figure 5. Vue latéro-latérale d’un thorax normal chez le lapin (Oryctolagus cuniculus). Photographie par Dr. David Vella. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Anomalies radiographiques du thorax chez le lapin

Les signes radiologiques tels que des lésions d’opacifications diffuses et de l’œdème pulmonaire peuvent être observés. Les pneumonies, les adénocarcinomes utérins métastatiques, ou les insuffisances cardiaques congestive sont également décrits Une pneumonie grave peut éventuellement conduire à la consolidation du tissu pulmonaire, tandis que les lésions nodulaires coalescentes peuvent être observées avec une maladie métastatique avancée. L’abcès du poumon peut également être mis en évidence, pour lequel un ou deux nodules discrets seront présents dans le parenchyme pulmonaire.

La cardiomégalie peut être associée à une insuffisance cardiaque congestive causée par une cardiomyopathie dilatée. Une masse médiastinale et un épanchement pleural peuvent être observés avec un thymome et moins fréquemment un lymphome

Le squelette

Spondylose

La spondylose est l’anomalie la plus fréquente observée au niveau de la colonne vertébrale du lapin. Les patients atteints par cette pathologie présentent souvent des souillures au niveau de la région périnéale. Les résultats radiographiques peuvent mettre en évidence un rétrécissement ou un prolapsus de l’espace intervertébrale. Les patients répondent souvent bien aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, mais au fil du temps, il peut devenir nécessaire d’ajouter des opioïdes au traitement.

Fractures

Les os de lapin ne représentent que 7-8% de leur masse corporelle, tandis que le muscle représente 50% de leur masse corporelle. La fragilité de leur squelette explique la fréquence des fractures chez cette espèce. De nombreux types de fractures sont rencontrés chez le lapin, comprenant les fractures métacarpiennes, les fractures pelviennes, les fractures de l’avant-bras, les fractures tibiales et fémorales et les fractures vertébrales.

Luxations

Les luxations articulaires se produisent le plus souvent secondairement à un traumatisme. Les luxations les plus fréquentes chez le lapin concernent les articulations coxo-fémorales, du carpe, du tarse et du coude. La luxation de l’articulation coxo-fémorale peut être traitée par une ostéotomie de la tête fémorale. La luxation du coude peut habituellement être réduite manuellement si le lapin est présenté peu de temps après le traumatisme. Les luxations du carpe ou du tarse répondent bien à une immobilisation avec une attelle pendant 2-3 semaines jusqu’à la formation d’un tissu cicatriciel qui stabilise l’articulation.

Néoplasie

De rares cas de néoplasies osseuses ont été identifiés chez le lapin. Les résultats radiographiques mettent en évidence, à la fois, une lyse et une prolifération osseuse des deux côtés de l’articulation tarsienne. Une amputation et une biopsie du nœud lymphatique poplité ont été réalisées ce qui a permis de diagnostiquer un ostéosarcome. Le lapin a survécu quelques mois après l’intervention.

Crâne

Les radiographies de crâne sont le plus souvent utilisées pour évaluer la dentition du lapin. La surface occlusale normale a un motif en “zig zag” parallèle entre les arcades supérieure et inférieure des prémolaires et des molaires aussi appelées « dents jugales »). Les racines des dents jugales mandibulaires ne doivent pas percer l’os cortical de la mandibule. En outre, un halo radio opaque, qui représente le tissu germinal, devrait être vu à l’apex des dents jugales. Les incisives mandibulaires doivent occlure entre les première et deuxième incisives maxillaires et la couronne de la première prémolaire ne doit pas être trop courbée.

Les signes radiographiques de malocclusion dentaire comprennent une augmentation de la radio-opacité péri apicale, une perte de visualisation de la structure interne de la dent, de l’allongement et de la distorsion des racines dentaires et la pénétration du cortex mandibulaire par les racines dentaires associée ou non à des abcès. Une ostéomyélite de la mâchoire est généralement secondaire à une infection de la racine dentaire, et implique souvent une réaction périostée exacerbée. Des lésions dentaires plus subtiles et plus détaillées peuvent être observées grâce à l’utilisation d’un scanner chez le lapin.

Autres structures

Maladie de l’oreille interne

Les radiographies peuvent être utiles lorsque l’on essaie de déterminer si un syndrome vestibulaire est dû à une atteinte de l’oreille interne ou à un syndrome vestibulaire central secondaire à une otite moyenne due à une infection à Encephalitozoon cuniculi.

Il est important d’obtenir une vue dorso ventrale du crane parfaitement symétrique. Si le cliché est en rotation, il sera ininterprétable. Des lésions sclérotiques de l’une ou des deux bulles osseuses indique une infection chronique de l’oreille moyenne ce qui va très en faveur d’une atteinte de l’oreille interne par continuité.
La réalisation d’un scanner reste cependant le meilleur moyen de mettre en évidence une otite moyenne et une image normale à la radiographie ne permet pas d’exclure une otite moyenne et interne.

Cavités nasales

Des infections chroniques affectant l’appareil respiratoire supérieur, qui ne répondent pas, sont une indication pour la réalisation de radiographies du crâne. Cependant, le scanner permet d’obtenir plus d’information. L’identification de masses et l’allongement des racines de dents maxillaires peuvent être des causes sous-jacentes d’infection chronique. Le conduit naso-lacrymal peut également être évalué à l’aide d’un agent de contraste. Si une masse nasale est suspectée, l’endoscopie et des techniques d’imagerie avancées telles que l’imagerie par résonance magnétique peuvent être nécessaires.

Références

Références

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