Qu’est ce qu’un colombiforme ?
Les pigeons et les tourterelles appartiennent à l’ordre des Columbiformes et à la famille des Columbidae. La taille des Columbidae varie des 50 grammes de la Géopélie diamant (Geopelia cuneata) aux 1300 grammes du Goura couronné (genre Goura) (Fig 1)(Hooimeijer and Dorrestein 1997). Le pigeon biset (Columba livia) est l’ancêtre commun de tous les pigeons domestiques. L’espérance de vie varie fortement entre les espèces de Columbidae et s’étend de trois à plus de 15 ans. Lorsque la prédation naturelle n’est pas une menace, les pigeons domestiques peuvent vivre 20 à 30 ans (Centre de Resource pour le Contrôle des Pigeon 2009). Malgré la diversité de la famille des Columbidae, il existe certaines caractéristiques anatomiques et physiologiques partagées par de nombreuses espèces et LafeberVet a résumé les 14 faits suivants :

Figura 1. La toute petite Géopélie diamant (Geopelia cuneata) est un membre de la famille incroyablement diversifiée des Columbidae. Crédit photographique: Leonardo Dasilva via Flickr Creative Commons.
Le tractus gastro-intestinal
1. Un grand jabot bilobé
Le tractus gastro-intestinal des columbidae est unique par bien des aspects. Toutefois, l’une des caractéristiques les plus connue est le jabot ou ingluvies. Les membres de l’ordre des Columbiformes possèdent un grand jabot bien développé et bilobé (Fig 2). En pratique, la rupture d’un jabot rempli est un problème fréquemment observé chez les animaux sauvages blessés, lorsqu’un oiseau juvénile tombe, ou est poussé, du nid.

Figura 2.Le grand jabot est délimité par des flèches chez cet oisillon de pigeon ramier (Columba palumbus). Crédit photographique: 8012805099 via Wikimedia Commons. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
2. Le lait de jabot ou lait de pigeon
Chez les pigeons et les tourterelles reproductivement actifs, les taux de prolactine augmentent et stimulent les comportements de couvaison (ou reproducteur) ainsi que la sécrétion de lait de jabot. A la fois chez le mâle et la femelle, la muqueuse devient fortement congestionnée. Le lait de jabot est composé de cellules recouvrant la paroi du jabot, remplies de fluides, et ayant desquamées. La surface séreuse du jabot apparait comme si elle était recouverte de riz cuit et cette situation ne doit pas être confondue avec une situation pathologique. (De Herdt and Pasmans 2009).
La production de lait de jabot commence deux semaines (à quelques jours) avant que les pigeonneaux éclosent et se poursuit jusqu’à ce que les juvéniles aient atteints 10-16 jours d’âge (Hooimeijer and Dorrestein 1997). Alors que la plupart des oiseaux subviennent aux besoins protéiques de leurs jeunes avec des insectes, les pigeons et les tourterelles nourrissent leurs oisillons nouveaux nés avec du lait de jabot. Le lait de jabot est riche en protéines, immunoglobulines A, et en graisse mais est pauvre en carbohydrates. En pratique, les pigeonneaux élevés à la main peuvent souffrir d’impactions gastro-intestinales fatales lorsqu’ils sont alimentés avec des carbohydrates complexes qu’ils sont incapables de digérer. Le lait de jabot représente le seul aliment que reçoit le pigeonneau de ses parents au cours de sa première semaine de vie (Vidéo 1). Après 5 à 10 jours, les parents régurgitent des semences, des graines ou des fruits au poussin.
Video 1. Tous les pigeonneaux reçoivent du lait de jabot de leurs parents au cours de leur première semaine de vie.
3. Les caecas vestigiaux
Les colombiformes possèdent des caeca qui sont très petits ou vestigiaux (McLelland 1989).
4. Le ventricule spécialisé chez les pigeons frugivores
Chez certains pigeons frugivores (Ducula spp.), la couche cuticulaire protectrice, ou couverture de koilin, du ventricule ou du gésier possède des rangées de projections coniques et dures qui sont utilisées pour écraser les fruits. Les modifications du ventricule sont le plus poussé chez le pigeon de Nicobar (Caloenas nicobarica) chez qui une pierre ventriculaire ou « nicobar » permet à ces oiseaux de consommer des noix entourées d’une coquille dure (Fig 3). En plus d’être chassé pour la nourriture et trappé pour le commerce local d’animaux de compagnie, le pigeon de Nicobar est également chassé pour sa pierre ventriculaire, qui est utilisée en joaillerie.

Figura 3. Coupe en koilin dans le gésier du pigeon de Nicobar (Caloenas nicobarica), avec une pierre (à droite). Crédit photographique: Wildlife Disease Laboratories, San Diego Zoo Global; courtoisie du Dr Bruce Rideout. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.
5. La succion
Alors que la plupart des oiseaux boivent en plongeant leur bec dans l’eau et en rejetant leur tête vers l’arrière pour déglutir, de nombreux pigeons et tourterelles peuvent immerger leur bec et boire en utilisant un mécanisme de succion en se servant de leur bec comme d’une paille (Fig 4). (Pigeon Control Resource Centre 2009).

Figura 4. Contrairement à la plupart des oiseaux, les colombiformes boivent en immergeant leur bec. Crédit photographique: Pete Birkinshaw via Flickr Creative Commons. Cliquez sur l’image pour l’agrandir..
Le foie
6. La vésicule biliaire
Comme de nombreux membres de la classe Aves, la plupart des pigeons ne possèdent pas de vésicule biliaire bien que la bile soit tout de même produite en abondance (De Herdt and Pasmans 2015). En conséquence, il est normal chez un oiseau anorexique de produire des fientes vertes qui contiennent de la bile mais peu de matériel fécal.
Bien que la plupart des pigeons ne possèdent pas de vésicule biliaire, tous les pigeons frugivores et les tourterelles frugivores étudiés (genres Ptilinopus, Lopholaimus, Carpophaga, Ducula, Gymnophaps) possèdent cette structure. Les pigeons frugivores sont généralement décrits comme un groupe distinct des autres columbidae et la présence d’une vésicule biliaire chez les tourterelles frugivores pourrait représenter une caractéristique importante pour la classification taxonomique (Hagey et al 1994, Garrod 1874).
7. L’activité enzymatique hépatique
La plupart des recherches réalisées sur les enzymes hépatiques chez les patients aviaires proviennent de travaux réalisés chez le pigeon (Lumeijet al 1988). Bien qu’il ne fasse partie pas des composés standard du bilan biochimique aviaire, le glutamate dehydrogenase (GLDH) a été identifié comme l’indicateur le plus spécifique de nécrose hépatique sévère chez les pigeons de course. L’augmentation de l’activité des GLDH dans le plasma est probablement observée seulement dans les stades aigus de lésions cellulaires hépatiques sévères. Les lactate déshydrogénase (LDH) et aspartate aminotransférase (AST) semblent être les indicateurs les plus sensibles de lésions des cellules hépatiques. En revanche, la LDH semble être un faible indicateur de lésion hépatique malgré sa concentration tissulaire relativement haute, ce qui est probablement du à son taux de clairance plasmatique rapide (Lumeij 1988 et al, Lumeij 1988 et al).
Le système cardiovasculaire
8. Le plexus vasculaire
Les pigeons possèdent un réseau de vaisseaux sous-cutanés complexe dans la peau recouvrant le cou, appelé le plexus veineux intracutané collaris. Ce plexus vasculaire s’étend de la tête au jabot à la fois chez le mâle et la femelle. Dorsalement, le plexus est divisé en portions droite et gauche, séparées par un espace d’environ 1 mm situé dans le plan médian. La dilatation de ce plexus est utilisée dans des manifestations comportementales territoriale et sexuelle. Le plexus aide également à réguler la circulation et la température corporelle (Hooimeijer and Dorrestein 1997).
Pour plus d’information, le lecteur intéressé pourra se référer à la Figure 44.1 des Colombiformes sur AvianMedicine.net pour visualiser un moulage vasculaire du plexus.
Les injections sous-cutanées chez les pigeons de course sont normalement administrées dorsalement dans le tiers distal ou la base du cou par les amateurs. Toutefois, la présence de ce plexus vasculaire extensif implique que des injections réalisées lors que la température est élevée ou lors de manifestations comportementales peuvent conduire à des hémorragies fatales (Hooimeijer and Dorrestein 1997).
Le système tégumentaire
9. Les plumes de duvet poudreux
Le plumage des colombiformes possède plusieurs caractéristiques uniques, les plumes de duvet sont absentes ou rares chez les colombidae. Néanmoins, la poudre de duvet ou poudre de plume joue un rôle important dans le maintien des plumes en bon état. La production de poudre de duvet est assez élevée chez certains pigeons (Hooimeijer and Dorrestein 1997). L’exposition fréquente aux protéines présentes dans ces plumes peut provoquer une hypersensibilité chez les humains sensibles. Jusqu’à 10% des amateurs de pigeon présentent cette réaction d’hypersensibilité et celle-ci se manifeste initialement comme un rhume persistant qui se évolue vers une pneumonite allergique également connu sous le nom de “poumon des amateurs d’oiseaux” ou “maladie des éleveurs de pigeons” (Tudor 1991).
10. La mue de peur
Toutes les espèces d’oiseaux sont capables de relâcher des plumes dans une “mue de peur”, lorsqu’elles sont attaquées ou effrayées. Toutefois, les tourterelles sont particulièrement adeptes de cette adaptation anti-prédateur. Les adultes tourterelles tristes (Zenaida macroura) possèdent la capacité de perdre leurs plumes de sorte à laisser un prédateur avec une bouchée de plumes pendant qu’elles s’échappent OU un vétérinaire avec un oiseau sauvage dont la relâche aura besoin d’être retardé jusqu’à ce que de nouvelles plumes se soient développées. En conséquence il faut user de précaution lors de la manipulation des tourterelles sauvages, en contenant ces oiseaux le moins possible.
Les pigeons remplacent toutes leurs plumes au moins une fois par an. La mue est normalement complétée en 3 à 6 mois (Tudor 1991).
11. L’absence de glande uropygienne
La glande uropygienne ou glande à huile est absente chez la plupart des pigeons et des tourterelles. Parmi la classe des Aves, il tend à y avoir une relation entre l’absence de la glande uropygienne et la production de poudre de duvet. Chez les colombidae, il existe une corrélation entre une production élevée de poudre et une diminution de la taille de la glande.
Le système musculosquelettique
12. Une carène allongée
Les pigeons ont un vol puissant, ce qui nécessite un bréchet, ou une carène, allongé pour l’insertion des muscles du vol (Fig. 5). Ces muscles peuvent représenter jusqu’à 44% du poids corporel de l’oiseau et confèrent aux colombidae d’excellentes capacités de vol et de manœuvrabilité (Camfield 2004).

Figura 5. La musculature pectoral extensive (flèche) recouvrant la carène ou bréchet du sternum chez le dernier pigeon messager, ‘Martha’. Crédit photographique : RW Schufeldt via Wikimedia Commons. Cliquez sur l’image pour l’agrandir..
Cette caractéristique musculosquelettique affecte également l’examen clinique. La carène des colombidae est tellement longue qu’il est particulièrement difficile de palper le cœlome car l’espace est vraiment très petit (Fig 6).

Figura 6. Une petite boule de coton recouvre l’intégralité de l’espace disponible pour la palpation cœlomique entre la fin du sternum (flèche rouge) et le pelvis (flèche bleue) chez ce pigeon anesthésié. Crédit photographique : Dr Christal Pollock. Cliquez sur l’image pour l’agrandir. .
Le système urogénital
13. Les bases de la reproduction du pigeon
Tous les colombiformes sont monogames et se mettent en couple pour la vie. Les pigeons peuvent se reproduire toute l’année avec un pic dans la saison de reproduction qui se déroule aux mois de printemps et d’été. Les couples produisent classiquement deux œufs qui sont incubés par les deux parents pendant 17-19 jours. Les oisillons muent à environ 30 jours d’âge. Les oiseaux atteignent leur maturité sexuelle ou puberté à l’âge de 6 mois (Tudor 1991).
14. Le monomorphisme sexuel
Les Colombidae ne présentent généralement pas de dimorphisme sexuel, toutefois les

Figura 7. Pigeon dragon avec une grande caroncule sur le bec (grande flèche). La partie charnue autour de l’œil est parfois appelée « cire de l’œil » (petite flèche) par les amateurs de pigeon. Crédit photographiqe: elBodlina via Wikimedia Commons. Cliquez sur l’imge pour l’agrandir...
La tête du male tend également à être plus grande et plus globoïde avec un cou plus épais. Au cours des comportements de parade, le pigeon mâle tourne souvent en décrivant des cercles complets tout en roucoulant fortement et avec insistance (Vidéo 2).
Video 2. Parade nuptial du pigeon
15. Les marqueurs de maladie rénale
Les pigeons ont également été utilisés comme modèle de laboratoire pour les maladies rénales (Wimsattet al 2009, Marshall et al 2003, Lumeij 1987), et la plus grande partie de nos connaissances fondamentales sur les marqueurs de maladie rénale aviaire repose sur le travail réalisé chez des pigeons de course (Lumeij 1987). Grâce à ce travail sur les pigeons de course, nous savons que l’acide urique, l’urée et la créatinine sont tous des marqueurs peu sensibles de maladie rénale (Wimsattet al 2009, Lumeij 1987). Néanmoins, des pigeons privés d’eau pendant 3 jours montraient une augmentation par 6.5 à 15.3 fois du BUN et de 1.2 à 1.5 fois de la créatinine ainsi qu’une augmentation de 1.4 à 2 fois de l’acide urique par rapport aux valeurs obtenues avant privation hydrique (Lumeij 1987).
Références
Références
Camfield A. Columbidae. Animal Diversity Web. 2004. Available at http://animaldiversity.ummz.umich.edu/accounts/Columbidae/. Accessed on Dec 6, 2013.
Dent S. Brewer’s Dictionary of Phrase & Fable, 19th ed. City: Hodder’s Publishers; 2012.
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Garrod AH. On some points on the anatomy of the Columbae.ProcZoolSoc London 17:249-259, 1874.
Hagey LR, Schteingart CD, Ton-Nu HT, Hofmann AF. Biliary bile acids of fruit pigeons and doves (Columbiformes): presence of 1ß-hydroxycheodeoxycholic acid and conjugation with glycine as well as taurine. J Lipid Research 35:2041-2048, 1994.
Hooimeijer J, Dorrestein GM. Pigeons and doves. In: Altman R, Clubb SL, Dorrestein GM, Quesenberry K (eds). Avian Medicine and Surgery. Philadelphia, PA: WB Saunders; 1997. Pp. 886-909.
Lumeij JT. Plasma urea, creatinine and uric acid concentrations in response to dehydration in racing pigeons (Columba livia domestica). Avian Pathol 16(3):377-382, 1987.
Lumeij JT, De Bruijne JJ, Slob A, et al. Enzyme activities in tissues and elimination half-lives of homologous muscle and liver enzymes in the racing pigeon (Columba livia domestica). Avian Pathol 17(4):851-864, 1988.
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Marshall KL, Craig LE, Jones MP, Daniel GB. Quantitative renal scintigraphy in domestic pigeons (Columba livia domestica) exposed to toxic doses of gentamicin. Am J Vet Res 64(4):453-462, 2003.
McLelland J. Anatomy of the avian cecum. J ExpZoolSuppl 3:2-9, 1989.
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Tudor DC. Pigeon Health and Disease. Ames, Iowa: Iowa State University Press; 1991: 11-12, 14-15, 227.
Wimsatt J, Canon N, Pearce RD, et al. Assessment of novel avian renal disease markers for the detection of experimental nephrotoxicosis in pigeons (Columba livia). J Zoo Wildl Med 40(3):487-494, 2009.