Canulation des Sacs Aériens chez les Oiseaux

Points clés

  • La canulation des sacs aériens est une technique alternative à l’intubation endotrachéale couramment utilisée pour ventiler les oiseaux. La mise en place d’un tube dans les sacs aériens permet l’oxygénation ainsi que l’administration d’agents anesthésiques, et est particulièrement intéressante lors des chirurgies de la tête ou de la trachée, au cours desquelles un tube endotrachéal serait encombrant. De plus, les canules offrent la possibilité d’administrer des traitements directement dans les sacs aériens. Enfin, elles peuvent également être utilisées pour soulager les oiseaux dyspnéiques atteints d’obstruction trachéo-syringienne par un corps étranger, un granulome ou une tumeur.
  • Des canules adaptées pour les sacs aériens sont commercialisées mais il est possible d’utiliser des tubes endotrachéaux stériles ou des tubes de plastique coupés à une longueur appropriée pour fabriquer des canules de fortune.
  • La canule doit être insérée dans le sac aérien thoracique caudal ou le sac aérien abdominal chez les perroquets, les pigeons, les tourterelles et les passereaux.
  • Les canules peuvent demeurer jusqu’à 7 jours dans les sacs aériens. Toutefois, elles devraient idéalement être retirées sous 4 jours de sorte à limiter le risque d’infection bactérienne ou fongique associée à une canulation prolongée.

Introduction

Les poumons sont chez les oiseaux des structures spongieuses, compactes et de petite taille, étroitement accolées contre les côtes, de chaque côté de la colonne vertébrale. Les oiseaux et les mammifères de poids corporel similaire ont des poumons de poids semblables mais ils occupent chez les oiseaux un volume deux fois moins important du fait de leur densité tissulaire bien plus importante.

Le réseau constitué par l’ensemble des sacs aériens représente un élément fondamental du système respiratoire aviaire. Les sacs aériens sont des structures délimitées par de fines parois, constituées d’une à deux couches cellulaires d’épaisseur, et qui s’étendent tout le long de la cavité corporelle ainsi que dans les os des ailes et des pattes. La plupart des oiseaux ont neuf sacs aériens: Deux sacs aériens cervicaux, deux thoraciques craniaux, deux thoraciques caudaux, deux abdominaux et un unique sac aérien interclaviculaire. Les sacs aériens abdominaux sont en communication avec les pattes et les os pelviens tandis que le sac aérien interclaviculaire est en connexion avec les os des ailes, le sternum et la syrinx.

Les sacs aériens sont en communication directe avec les bronches et assurent la ventilation des poumons par un flux d’air continu particulièrement efficace. Dans les poumons aviaires, l’air circule au travers d’un circuit de bronches pour atteindre le système des capillaires aériens. Ces capillaires aériens représentent le site principal d’échange d’oxygène et de gaz carbonique. Le poumon aviaire est ventilé par un flux d’air constant ce qui permet une extraction d’oxygène plus efficace que chez les mammifères. La moitié de l’air inhalé au cours du premier cycle respiratoire emprunte les bronches primaires et rejoint les sacs aériens postérieurs. Au cours de l’expiration de la première respiration, l’air précédemment inhalé est mobilisé des sacs aériens postérieurs vers les poumons où il traverse les régions permettant les échanges gazeux. La deuxième fois que l’oiseau inhale, cet air appauvri en oxygène est aspiré dans les sacs aériens antérieurs. Au cours de la deuxième expiration, l’air riche en dioxide de carbone est expulsé des sacs aériens antérieurs et emprunte les bronches et la trachée pour retourner dans l’atmosphère. La ventilation des poumons par un flux aérien continu permet une extraction d’oxygène plus efficace que chez les mammifères.

Indications

La canulation (ou intubation) des sacs aériens est une technique alternative à l’intubation endotrachéale couramment utilisée pour ventiler les oiseaux. La mise en place d’un tube dans les sacs aériens permet l’oxygénation ainsi que l’administration d’agents anesthésiques, et est particulièrement intéressante lors des chirurgies de la tête ou de la trachée, au cours desquelles un tube endotrachéal serait encombrant. La canulation des sacs aériens est également utilisée de façon thérapeutique pour faciliter la respiration des oiseaux dyspnéiques. Il s’agit souvent d’oiseaux présentant un corps étranger respiratoire haut ou une obstruction trachéo-syringienne par un granulome ou une tumeur. Moins fréquemment, une canule peut être placée dans un sac aérien suite à une obstruction, un collapsus ou un trauma trachéal. De plus, ces canules offrent une voie d’accès directe pour le traitement des sacs aériens. La canulation des sacs aériens a également été pratiquée sur de petits passereaux en contexte de recherche. Dans la cadre d’études portant sur les mécanismes nerveux sous-tendant l’apprentissage vocal, des chercheurs ont utilisé la canulation des sacs aérien afin de délivrer le gaz anesthésique à des diamants mandarins (Taeniopygia guttata) au cours d’opérations neurochirurgicales non terminales visant à localiser certaines régions spécifiques du cerveau. Cette méthode présente, entre autre avantage, celui de libérer la tête de l’oiseau pour le ciblage stéréotaxique et de ne pas interférer avec les clamps permettant le positionnement et la stabilisation de la tête de l’animal qui sont placés sur le bec. De plus, cette méthode autorise l’utilisation de l’isoflurane et permet ainsi une induction rapide et minimalement stressante, tout en limitant la longueur de la récupération post-opératoire.

Complications

Les canules peuvent demeurer jusqu’à 7 jours dans les sacs aériens. Toutefois, elles devraient idéalement être retirées sous 4 jours car la présence prolongée d’un tube est associé à un risqué accru d’infection bactérienne ou fongique et d’aerosacculite. Les autres complications possibles lors de l’intubation d’un sac aérien incluent la création de lésions sévères aux sacs aériens, l’occlusion de la canule par des fluides ou des exsudats et l’endommagement d’organes abdominaux. La perforation de viscères cœlomiques lors de la mise en place de la canule peut être à l’origine de pertes sanguines potentiellement mortelles. Enfin, un emphysème sous-cutané est généralement observé suite au retrait de la canule mais rétrocède avec le temps et se résous spontanément.

Equipement

La mise en place d’une canule dans un sac aérien nécessite peu d’équipement. Le matériel requis pour cette procédure se limite à une lame chirurgicale (de taille n° 11 ou 15), une pince hémostatique fine, un porte-aiguille, une paire de ciseaux et du matériel de suture (Fig 1). Un tube endotrachéal stérile coupé à une longueur appropriée, un tube de caoutchouc (type red rubber) rogné, une canule commerciale pour sac aérien, ou un tube de plastique taillée dans une tubulure de perfusion peuvent être utilisés comme canule.

La mise en place d’une canule dans un sac aérien demande peu d’équipement

Figure 1. La mise en place d’une canule dans un sac aérien demande peu d’équipement. En plus du tube, préparez une lame de scalpel #15 ou #11, une pince hémostatique fine, un porte-aiguille, une paire de ciseaux et du matériel de suture de taille appropriée. Crédit photographique: Dr C. Brown.

Le site chirurgical doit être préparé de façon aseptique. Un lubrifiant stérile hydrosoluble peut être utilisé pour empêcher les plumes environnantes de retomber dans le site chirurgical. Un petit champ stérile auto-adhésif est utilisé pour isoler le site chirurgical. La taille de la canule et du matériel de suture dépendra de la taille de l’oiseau.

Technique

Chez les perroquets, les pigeons, les tourterelles et les passereaux, l’objectif est d’insérer la canule dans le sac aérien thoracique caudal ou abdominal (Fig. 2). L’oiseau est positionné en décubitus latéral et la patte en position supérieure est tirée cranialement. Le site d’entrée est localisé à la jonction entre le bord caudal de la dernière côte et le muscle fléchisseur cruromédial. L’os pubien est un repère supplémentaire délimitant une région triangulaire utilisée pour la canulation des sacs aériens (Fig 3).

La canule est insérée dans le sac aérien thoracique caudal ou dans le sac aérien abdominal juste en arrière de la dernière côté

Figure 2. La canule est insérée dans le sac aérien thoracique caudal ou dans le sac aérien abdominal juste en arrière de la dernière côté. Crédit photographique: Dr C Brown.

Repères anatomiques pour l’introduction d’une canule dans le sac aérien thoracique caudal ou le sac aérien abdominal

Figure 3. Repères anatomiques pour l’introduction d’une canule dans le sac aérien thoracique caudal ou le sac aérien abdominal. Placez l’oiseau en décubitus latéral et étendez cranialement la patte en position supérieure (a). Le triangle blanc représente le site de canulation des sacs aériens, situé à la jonction entre le bord caudal de la dernière côte (b), le muscle fléchisseur cruromédial (c), et l’os pubien (d). Crédit photographique: Dr D. Brown.

Le site est préparé en plumant délicatement la région et en réalisant un nettoyage chirurgical stérile de la peau. Un champ stérile est positionné puis une petite incision est réalisée au travers de la peau et une pince hémostatique est utilisée pour réaliser une dissection mousse au travers de la paroi musculaire et entrer dans le sac aérien. Les mords de la pince hémostatique sont ouverts et la canule est insérée dans leur ouverture jusque dans le sac aérien (Fig 5 et Fig 6).

Pour insérer une canule dans un sac aérien, commencez par réaliser une petite incision cutanée

Figure 4. Pour insérer une canule dans un sac aérien, commencez par réaliser une petite incision cutanée. Réalisez ensuite une dissection mousse du plan musculaire sous-jacent à l’aide d’une pince hémostatique jusqu’à pénétrer la membrane du sac aérien. Crédit photographique: Dr C. Brown.

Insérez la canule dans le sac aérien en la glissant entre les mords de la pince hémostatique

Figure 5. Insérez la canule dans le sac aérien en la glissant entre les mords de la pince hémostatique. Crédit photographique: Dr C. Brown.

Insérez la canule dans le sac aérien, en la glissant entre les mords de la pince hémostatique

Figure 6. Insérez la canule dans le sac aérien, en la glissant entre les mords de la pince hémostatique. Crédit photographique: Dr C. Brown.

De la condensation apparait à l’intérieur du tube lorsque la canule est correctement positionnée et il est possible de la visualiser à l’aide d’une lame en verre placée à l’extrémité de la canule. Une plume de duvet peut également être tenue à la sortie du tube de sorte à vérifier l’existence d’un léger flux d’air lorsque l’oiseau respire (Fig 7). Prenez garder à ne pas laisser la plume être inhalée dans le sac aérien. Le tube peut être sécurisé en fixant un morceau de ruban adhésif à la base de la canule et en le suturant à la peau. Alternativement, le tube peut être maintenu en place à l’aide d’un laçage chinois (Fig 8). Il est important de ré-évaluer la perméabilité de la canule une fois celle-ci suturée en place car la position du tube peut avoir changé et aboutir à une obstruction du flux aérien en cas d’accolement contre des structures internes. Des radiographies sont souvent utilisées pour évaluer le bon positionnement du tube en jugeant la longueur du tube, sa localisation dans le sac aérien et si le tube affecte des organes internes. Il est recommandé de réaliser des vues radiographiques ventrodorsale et latérale de l’oiseau une fois que le tube est positionné jusqu’à avoir acquis une bonne expérience avec cette procédure.

L’une des méthodes permettant de verifier que la canule est bien positionnée dans le sac aérien consiste à maintenir une plume de duvet à l’extrémité du tube pour vérifier l’existence d’un léger flux aérien lorsque l’oiseau respire

Figure 7. L’une des méthodes permettant de verifier que la canule est bien positionnée dans le sac aérien consiste à maintenir une plume de duvet à l’extrémité du tube pour vérifier l’existence d’un léger flux aérien lorsque l’oiseau respire. Assurez vous de maintenir la plume de façon sécuritaire afin à prévenir son inhalation dans le sac aérien. Crédit photographique: Dr C. Brown.

Utilisez un laçage chinois pour fixer la canule en place dans le sac aérien. Assurez-vous de vérifier la perméabilité de la canule une fois que la suture est réalisée

Figure 8. Utilisez un laçage chinois pour fixer la canule en place dans le sac aérien. Assurez-vous de vérifier la perméabilité de la canule une fois que la suture est réalisée. Crédit photographique: Dr C. Brown.

Notes cliniques

  1. Soumettez la canule pour un examen bactériologique après son retrait du sac aérien. Une analyse cytologique de l’extrémité du tube peut également être recommandée.
  2. Si un tube endotrachéal est utilisé pour canuler un sac aérien, garder l’adaptateur à proximité de sorte à pouvoir fournir un apport en oxygène en cas d’urgence.
  3. La réalisation de radiographies avant la canulation des sacs aériens peut être nécessaire de sorte à éviter l’insertion du tube dans un sac aérien sévèrement lésé. En cas d’aérosacculite diffuse, la canulation des sacs aériens n’est généralement pas recommandée.
  4. La canulation des sacs aériens peut être réalisée avec l’aide d’un endoscope afin d’assurer leur bon positionnement.

Références

Références

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